Des scènes d’un match de foot by Xavier Jones

Le ventre de la Place de la Révolution s’était rempli par des masses parisiennes assoiffées de justice. Ce jour froid de janvier, ils boiraient chaud. Mais ce jour-là, la boisson serait épicée d’un ingrédient inconnu depuis l’ascension des premiers rois d’histoire: l’égalité. Le devoir ne s’est fait ni sans hésitation, ni avec un zèle sanguinaire non plus. La seule espèce de cérémonie, le roulement insolent des tambours qui rendait l’histoire éternellement sourd en ce moment. Après un instant de plus la justice a tranché, littéralement. Dans ce panier se mélangerait le sang du roi et celui des citoyens, qu’ils soient innocents ou coupables des accusations qui leur seraient reprochés par leurs concitoyens qui, par la sincérité ou par la peur de se faire accusés eux-mêmes, se croiraient d’agir dans la défense de la Révolution.

Les insurrections royalistes, ainsi que les instaurations et chutes de régimes au travers des siècles suivants ont démontré que l’actuelle Place de la Concorde est erronément si nommée. Et cette appellation se montre de plus en plus absurde vu sa proximité à l’Assemblée nationale, l’endroit où le débat, le discorde et donc, la démocratie est l’ordre du jour. Le seul point de la concorde qui lie ces contradictions géographiques est qu’il n’y a pas de concorde.

On dirait que dans une société démocratique il faut exercer la vertu de la tolérance, que des interdits ne doivent pas exister. Certains qui invoquent cette argumentation entendent uniquement éviter le stigma associé avec certaines idées qui, au nom de la moindre décence humaine, devraient être rejetées avec la plus grande fermeté. Des tels individus, sinon des groupes, sont quand même les premiers à revendiquer une société construite autour d’une intolérance extensive. Pourtant si l’hypocrisie leur servait bien, ils seraient prêts à accorder un sursis à cette intolérance. Il suffisait de regarder le fameux derby entre Lyon et Saint-Étienne le 21 janvier 2022 pour voir les limites où notre tolérance si vertueuse se fait pousser. Et le fait que des comportements si consternants reçoivent la quasi-impunité qui s’appelle “la liberté” ou “la tolérance,” est une maladie qui, depuis la conception libertine du fascisme pendant l’entre-deux-guerres, continue d’affaiblir le corps politique. Ce corps politique qui, sous le prétexte d’espérer la guérison de la réconciliation, refuse d’emprunter la pratique ancienne de l’amputation, malgré le vérifiable risque existentiel qu’une telle naïveté pose à la santé de la nation. Encore il suffit de voir les comportements de certains gens qui, ce soir-là, prétendaient supporter leur équipe locale; mais en fait ils ne cherchaient qu’à exposer leur nature primitive en poussant des cris haineux dans l’enceinte d’un bar, des cris qui, normalement, s’éteindraient dans le néant des milliers de vrais supporters qui rougiraient pour cette même équipe qui, dans leur diversité tant décriée par ces êtres à peine pitoyables, fait la fierté de cette ville.

Le match a commencé, les premiers chants des supporters, à l’origine plein d’amour et du soutien, sont pris en otage par les pseudo-supporters qui commenceront à pousser des chants qui n’expriment qu’une haine aveugle pour les habitants d’une ville à moins d’une heure en train. Après un quart d’heure la première occasion s’est présentée à l’Olympique Lyonnais d’ouvrir le score. La transformation du penalty n’a pas simplement ouvert le score, mais aussi la bouche de l’hypocrisie. Un refrain n’ayant pas d’oreille s’est retenti dans le bar: “Il est noir, mais on s’en fout tant qu’il marque des buts pour nous!” Voilà! On va tolérer une couleur de peau différente autant qu’on en profite des prestations de cette personne et d’autres qui lui ressemblent. Autrement, nous savons bien le mot, ou plutôt, l’insulte qui serait employé par cette masse qui puait dans l’excrément intellectuel de leurs idées.

Les incultes sont comme des adolescents difficiles, ils présument de tout comprendre, mais même si l’on peut démontrer qu’ils se trompent ils s’enferment dans leur ignorance. En plus dans l’attente de frustrer toute opposition, ils s’habillent de leur ridicule et sont prêts à vanter leur petite taille d’esprit, parmi d’autres choses, et ils assument le caractère qui ne mérite que la condamnation la plus sévère possible. Ennuyés de n’avoir pas fait trop d’usage de leurs déguisements des mâles alphas, ils décident de rappeler à tout le monde qu’ils étaient “des fachos, mais pas fâchés.” Ainsi les bouffons qui se croyaient des rois nous ont communiqué que, pour le moment, la performance sportive de la part de leurs vaisseaux était digne de leur contentement, un bonheur qui servait, il me semble, à soulager leur deuil datant depuis ce jour il y a 229 ans.

Même dans la victoire leur hypocrisie refuserait de reconnaitre le moindre de limite, et les vrais patriotes se sont présentés en refusant de joindre les complices contemporains de Bouillé qui réalisaient une parodie collective de la peinture de Rouget de l’Isle interprétant La Marseillaise. Et pour finir, incapable de résister à la tentation de profaner le sacré une dernière fois, ces compositeurs aussi dénués d’esprit créatif que de la décence humaine ont ajouté leur refrain quasiment inchangé depuis les années vingt: “Bleu blanc rouge, la France aux français!” Si l’on est parvenu à ignorer les provocations précédentes, même les stoïques les plus ardents parmi nous ce soir ne pouvaient trouver une oreille sourde de plus pour faire obstacle à cet appel aux armes.

Comme des chiens qui veulent marquer leur passage, ces créatures ont trouvé leur moyen, plutôt subtile et hygiénique en dépit de leur dispositif dégoutant naturel, de laisser une trace avant de poursuivre leur chemin qui mène nulle part. Quatre collants se figuraient sur un collage des images des journaux qui commémoraient le triomphe mondial d’une équipe nationale qui surmontait des histoires superficielles des origines afin de faire triompher plus de soixante millions de gens qui sont français. Ces puristes épouvantables sont plutôt l’incarnation du sang impur avec lequel ils aimeraient abreuver nos sillons!

Il fallait que ces collants, en tant qu’une extension de leurs langues, soient arrachés. Et la lame à la hauteur de cette tâche, les ongles. Le grattement effectuait son travail avec un zèle qui faisait battre plus vite le cœur dont les vibrations ne faisaient trembler la main aussi courageuse que Horace sur son pont. Mais la probité n’est pas une protection absolue contre certains périls, et comme les marées quittent la plage, certainement elles reviendront. Ces vagues sont revenues afin d’éroder la forteresse qui était un affront en flagrant délit contre leurs esprits si fermés qu’un homme riche pouvait accéder au paradis chrétien plus facilement qu’ils changeraient leurs opinions.

Il semblait que cette lame qui ne faisait que gratter, avait tout à fait tranché assez profondément pour ces deux créatures haineuses. La douleur de leurs égos blessés agissait comme une dose d’adrénaline et ils ont précipité vers celui qui entendait, par son geste, d’arrêter la contamination d’un lieu qui est, dans un sens, un établissement de santé. Pourtant, comme l’on ne peut pas forcer des malades à se faire soigner, on ne peut pas dialoguer avec ceux qui sont incapables, ou involontaires, de céder la parole. La seule “discussion” qu’ils comprennent n’est pas verbale et il n’y a pas d’échange. Plutôt, c’est une conférence de pseudo-intellectuels qui adorent le son de leurs propres voix, des voix qui, malgré les nuisances sonores qu’ils provoquent, sont la représentation parfaite de l’idiot de Shakespeare, plein de son et de fureur et signifiant rien.

L’intervention de vraies forces de l’ordre républicain est arrivée depuis le comptoir du bar, non seulement dans la forme du parton, mais aussi dans la forme des clients qui avait assez vu de ce spectacle. Ce moment, était le Valmy moral de la soirée qui avait d’une main seule restauré, pour les témoins, la fois dans les idées de la Révolution et dans cette constitution populaire qui s’appelle la république. On reprochait les mercenaires d’une mutation du germe tyrannique avec un simple “Ça suffit!” Puis, dans nos rangs fraternels, on se rassurait avec un “Ça ira!”

Rien n’était certain. L’homme était capable de tout, soit pour le bien ou le mal. On ne pouvait pas retenir son souffle pendant les mois à suivre. L’histoire nous donnait une épreuve qui ressemblait à celles d’il y a cinq ans. Si l’on était des élèves véritablement studieux, ce serait démontré de nouveau au monde entier. Alors, au lieu de nous étouffer dans le silence d’une fois aveugle dans nos voisins, il fallait étouffer le silence avec des paroles, des gestes, des plaidoiries. Cette nouvelle levée en masse contemporaine nous appelait non au secours de Paris et de la Convention nationale, mais au secours de la démocratie et l’honneur nationale. Les “cohortes étrangères” pour certains, étaient des bataillons volontaires pour d’autres. Chaque unité n’étant pas armée d’une carte électorale, luttait quand même par leur présence en faveur de la dignité humaine qui devrait être accordée à chaque être humain sans considération particulière pour sa nationalité ou les frontières qu’on ait franchi pour faire une vie meilleure, sinon entièrement nouvelle. Ce genre de combat n’était jamais réservés uniquement à ceux ayant le droit de participer au scrutin. La présence des “autres,” comme certains oseraient dire, nous a rappelé l’humanité qu’on se doit en tant que membres de la grande famille humaine. Pour cette raison, parmi plein d’autres, les citoyens se sont servis de leurs armes pendant une guerre civile qui s’est achevée le 24 avril avec un sourire sur les visages de toutes les images de Marianne au travers de la France.

Le Führer s’est flingué, “Il Duce” est destitué et le roi est toujours mort. VIVE LA RÉPUBLIQUE!

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